douee.pour.le.silence

"A force de ravaler, ravaler, sans jamais rien dire, à force de garder les lèvres verrouillées, j'ai fini par m'automutiler. Une sorte d'anorexie des sentiments."

Jeudi 16 juillet 2009 à 11:47

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                                                                                                            Cerizzz


On parle toujours du chagrin de ceux qui restent mais as-tu songé à celui de ceux qui partent ?
[...] Le courage de ceux qui se regardent dans la glace un matin et articulent distinctement ces quelques mots pour eux seuls : "Ai-je le droit à l'erreur ?" Juste ces quelques mots... Le courage de regarder sa vie en face, de n'y voir rien d'ajusté, rien d'harmonieux. Le courage de tout casser, de tout saccager par... par égoïsme ? Par pur égoïsme ? Mais non, pourtant... Alors qu'est-ce ? Instinct de survie ? Lucidité ? Peur de la mort ?
Le courage de s'affronter. Au moins une fois dans sa vie. De s'affronter, soi. Soi-même. Soi seul. Enfin.
"Le droit à l'erreur", toute petite expression, tout petit bout de phrase, mais qui te le donnera ? Qui, à part toi ? "

Je l'aimais - Anna Gavalda.

Mercredi 15 juillet 2009 à 10:31

 

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                                                                                                  Ursylla

 

Je me demande parfois ce que serais ma vie sans cette strate souterraine, sans cette dimension secrète et tragique qui en est comme la doublure flamboyante. La maladie a donné ce sens singulier et douloureux auquel je me suis facilement identifiée, comme si une prédisposition au malheur était déjà en moi depuis longtemps.

De quelle douleur s’agit-il ? Qu’est-ce qui se cache derrière elle ? Quelles sont les amertumes, les déceptions qui la prennent comme prétexte, comme parure ? Quelles souffrances opportunistes se greffent sur la douleur du corps et en font leur excuse ? Est-ce la tristesse, la peur de l’échec ou de l’abandon ? Ne suis-je pas encore cet enfant qui se sert d'une chute pour pleurer une autre douleur, capter un peu d'attention, la marque d'une affection, d'un regard sur soi?  N’ai-je pas confondu cette maladie avec tout ce qui ne se soigne pas, ce qui n’a pas de réponse ? Ces déceptions qui nous laissent sans voix, privés de nos espoirs. La seule condamnation, la seule fatalité est peut-être celle que je m’inflige.

Pourquoi accepte-t-on de souffrir? Que croit-on pouvoir exiger en échange? Un statut particulier, une forme d’élection, une vie hors norme, une marginalité. La vie urgente et dense, la surprise, la violence aussi. Une vie infernale, diffuse, souterraine, détachée de l’avenir. Une vie éphémère et brûlante.

Quel pacte faustien, quel compromis inavouable cache ma résignation si facile au fait d’être malade ? Je n’ai pas lutté contre cette idée. Pas un instant. Cela me paraissait inéluctable. J’ai l’impression d’avoir passé mon enfance à m’y préparer. J’ai l’impression de l’avoir toujours su.

Peut-être ai-je confondu cette douleur avec une incapacité plus générale à vivre. Avec un autre mal-être. Peut-être ai-je accusé, accablé un corps qui ne peut pas me contredire. La déception vient peut être d’ailleurs, de plus loin. D’une incapacité à vivre, d’un pessimisme sans fond, d’une complaisance dans la tragédie. La vie intense et douloureuse, l’écart loin du quotidien que la douleur autorise, la transparence du dernier aveu, la tension du dernier jour, de l’essai testamentaire, la gravité de celui qui reste. La vérité crue. Le rôle purificateur du drame. L’obsession de faire le bilan de sa vie. D’en imaginer la fin plutôt que de l’ouvrir à des possibles et la prolonger dans d’infinies bifurcations.


                    Claire Marin - Hors de moi


 


Lundi 15 décembre 2008 à 19:26

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Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul. C’est cela qui est commode avec la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d’honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu’on se pose un soir… C’est tout. Après on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C’est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l’un en face de l’autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur – et on dirait un film dont le son s’est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n’est qu’une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence…

C’est propre, la tragédie. C’est reposant, c’est sûr… Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d’espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie on est tranquille. D’abord, on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui tue et l’autre qui est tué. C’est une question de distribution. Et puis, surtout, c’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu’on n’a plus qu’à crier, - pas à gémir, non, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire, qu’on avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l’apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu’on espère en sortir. C’est ignoble, c’est utilitaire. Là, c’est gratuit. C’est pour les rois. Et il n’y a plus rien à tenter, enfin !

Jean Anouilh - Antigone


Dimanche 30 novembre 2008 à 20:39


Un personnage de roman est simplifié et construit
On peut le comprendre.
Dans la vie réelle, les êtres vivants sont des énigmes dangereuses.

André Maurois.

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