C'est un peu mon envie de dire ta gueule autrement en ce moment, aux gens qui m'étouffent, aux gens qui m'emmerdent. A ce gens au singulier. Qui me bouffe l'espace et les pensées. Viens chez moi, j'habite chez ma soeur.
Alors que je barbouille, dans le même marasme. Je replonge dans les mêmes refrains, les mêmes redondances, les mêmes plaintes.
J'ai des envies de rêver - de m'asseoir sur un banc - de prendre un train - d'aller voir la mer - de voyager dans un livre. Mais d'agir surtout pas, non, bien sûr, ça attendra, bien sûr...
Jamais je n’ai entendu de mots d’amour, vaguement de tendresse peut-être mais d’une tendresse convenue, des mots de tout le monde réutilisés en seconde main, des mots vides dont on se sert comme d’ustensiles de cuisine. La gratuité ne faisait pas partie de ce monde là, tout devait se payer.
Ils étaient trois. Un père, une mère et un fils. Et quand j’emploie ces mots, je me rends compte à quel point la langue peut être mensongère. C’était ce qu’on appelle une famille. C'est-à-dire des gens liés parce qu’ils habitent dans la même maison, qu’ils ont un passé commun pour la seule raison qu’ils l’ont vécu côte à côte, mais pas ensemble. Rien ne rapprochait ces personnes sinon une forme d’identité qui les rendait semblables les unes aux autres. Leurs relations étaient extérieures à eux, ils étaient reliés comme des points sur une feuille, par l’espace que cela dessinait, mais profondément ils étaient seuls. Cet espace était vide, il ne délimitait rien, sinon l’intérieur du dehors, ce qu’il ne fallait pas quitter sous peine de trahison. La trahison c’était seulement de penser autrement, de voir autrement, d’espérer. L’espoir pour moi signifiait le désir d’un ailleurs, d’un autrement, quand pour eux c’était une grandeur quantitative, des additions et des multiplications.
Mara - Mazarine Pingeot
"À hurler du silence, sûr qu'on n'entend plus rien"