douee.pour.le.silence

"A force de ravaler, ravaler, sans jamais rien dire, à force de garder les lèvres verrouillées, j'ai fini par m'automutiler. Une sorte d'anorexie des sentiments."

Vendredi 21 janvier 2011 à 23:34

http://douee.pour.le.silence.cowblog.fr/images/duanehansonsupermarketshopper-copie-3.jpg








































J
e viens d’une famille qui ne me ressemble pas. D’une banlieue sans corps ni caractère, où des pavillons petit-bourgeois s’alignent les uns à côté des autres, répétant une vie normalisée, qui elle-même n’a de rite que la répétition. Une vie tenue par les courses deux fois par semaine, au Géant Casino du coin, des Caddie pleins qui remplissaient de joie ceux qui les poussaient. De joie et du seul sens qu’ils aient donné à leur existence, ou plus exactement que leur existence leur avait donné, parce qu’eux n’ont jamais rien choisi. Une vie rythmée par les émissions télévisées, des jeux la plupart du temps. Du divertissement parfois, qui semblait le comble de l’intellectualisme à ces gens méprisants pour tout ce qui relevait de la culture, des livres, des valeurs, haineux à l’encontre de tout ce qui n’était pas eux, de tout ce qui leur était inaccessible. Des gens qui ne se parlaient pas, ou uniquement par média interposés. Ils commentaient ce que faisaient les voisins comme ce que disaient les hommes politiques, mais jamais ils n’entraient dans une forme d’intimité, à tel point qu’on pouvait douter qu’ils en aient eu une quelconque, d’intimité. Peut-être l’intimité est-elle le privilège de ceux qui admettent le questionnement.

Jamais je n’ai entendu de mots d’amour, vaguement de tendresse peut-être mais d’une tendresse convenue, des mots de tout le monde réutilisés en seconde main, des mots vides dont on se sert comme d’ustensiles de cuisine. La gratuité ne faisait pas partie de ce monde là, tout devait se payer.

Ils étaient trois. Un père, une mère et un fils. Et quand j’emploie ces mots, je me rends compte à quel point la langue peut être mensongère. C’était ce qu’on appelle une famille. C'est-à-dire des gens liés parce qu’ils habitent dans la même maison, qu’ils ont un passé commun pour la seule raison qu’ils l’ont vécu côte à côte, mais pas ensemble. Rien ne rapprochait ces personnes sinon une forme d’identité qui les rendait semblables les unes aux autres. Leurs relations étaient extérieures à eux, ils étaient reliés comme des points sur une feuille, par l’espace que cela dessinait, mais profondément ils étaient seuls. Cet espace était vide, il ne délimitait rien, sinon l’intérieur du dehors, ce qu’il ne fallait pas quitter sous peine de trahison. La trahison c’était seulement de penser autrement, de voir autrement, d’espérer. L’espoir pour moi signifiait le désir d’un ailleurs, d’un autrement, quand pour eux c’était une grandeur quantitative, des additions et des multiplications.

Mara - Mazarine Pingeot

Par http://www.antiquites-carrau.fr le Mardi 19 juillet 2016 à 10:29
La gratuité ne faisait pas partie de ce monde là, tout devait se payer.
Par asics pas cher le Vendredi 14 octobre 2016 à 3:00
Elle n'autorise pas l'immobilité douce ni le confort d'un enracinement dans ce qui fait mal.
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | Page suivante >>

Créer un podcast