douee.pour.le.silence

"A force de ravaler, ravaler, sans jamais rien dire, à force de garder les lèvres verrouillées, j'ai fini par m'automutiler. Une sorte d'anorexie des sentiments."

Lundi 15 décembre 2008 à 19:26

http://douee.pour.le.silence.cowblog.fr/images/LaDoleurbyPolstarPhotography.jpg


Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul. C’est cela qui est commode avec la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d’honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu’on se pose un soir… C’est tout. Après on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C’est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l’un en face de l’autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur – et on dirait un film dont le son s’est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n’est qu’une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence…

C’est propre, la tragédie. C’est reposant, c’est sûr… Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d’espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie on est tranquille. D’abord, on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui tue et l’autre qui est tué. C’est une question de distribution. Et puis, surtout, c’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu’on n’a plus qu’à crier, - pas à gémir, non, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire, qu’on avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l’apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu’on espère en sortir. C’est ignoble, c’est utilitaire. Là, c’est gratuit. C’est pour les rois. Et il n’y a plus rien à tenter, enfin !

Jean Anouilh - Antigone


Par Maybe.Be le Mardi 16 décembre 2008 à 12:52
Oh te voilà de retour :-) Ca fait plaisir :-)
Ce livre, il m'a marqué. Il me rappelle de mauvais souvenir [ même sans l'avoir lu oui oui !! ] Un livre du collège. En français. Beurk. En fait, je crois que c'est la couverture qui m'a fait bloquer. Ce orange fluo beurk !! Bref. Ze me chut hein. En espérant te revoir bientôt par ici toi et tes mots Jeune Demoiselle.
May'.
Par la-fille-des-mots le Mercredi 11 mars 2009 à 22:57
Ah Antigone... j'en garde un très bon souvenir de cette pièce !
Par imparfaiite le Mardi 30 juin 2009 à 18:31
Ce passage, ce texte, est tout simplement magnifique.
Par alesia le Mercredi 21 octobre 2009 à 21:30
Ton commentaire.. C'est exactement ça : "je ne savais pas, qu'on pouvait manquer du manque de quelqu'un. Et puis se dire que ce qu'on attendait depuis tout ce temps, n'avait finalement pas de sens. Ca fait un vide de ne plus esperer." Je n'aurais pas dit mieux. Même si pour ma part j'ai toujours ce regret, celui de me dire "et si ça avait marché ?", "et si on pouvait avoir une deuxième chance ?". Mais non, cela ne sert à rien, je sais.

Au passage, j'adore la version d'Antigone proposée par Anouilh. C'est l'un de mes livres fétiches ^^
Par lancien le Dimanche 7 mars 2010 à 17:04
Ce serait plus facile à lire si les caractères étaient plus foncés car sur le fond blanc on les voit à peine sur les écrans LCD. Cette tête sculptée est très belle.
Par http://www.salafi.fr le Mardi 19 juillet 2016 à 10:35
Et il n’y a plus rien à tenter, enfin !
Par Vans Pas Cher le Vendredi 14 octobre 2016 à 3:01
Qui regarderait tourner les heures sur l’horloge murale.
 

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